KYUJITSU (la technique de l'arc)et KYUDO (la voie de l'arc) 

 

 

   Jacques Normand, quarante-trois ans d'expérience du Budo et du Kyudo, directeur technique dans cette dernière discipline, a rappelé dans un texte intitulé " Pauvres Dan ", une pensée déjà émise par Roland Habersetzer concernant la vérité des Dan.
Il n'est pas question d'entrer dans une polémique stérile mais plutôt, au risque de déplaire, de protéger une vérité qui, par instant, sent le moisi.

Lorsque l'on parle du Japon et des disciplines telles que le Kyudo, il ne faut jamais oublier la différence qu'il y a dans l'approche que les Japonais donnent à ce jeu des grades.
Quand il s'agit des anciens, ceux qui n'ont connu et vécu que le respect de la tradition et de ce qu'elle apporte après bien des années, les niveaux (Dan) dont la valeur est aléatoire,ne les intéressent que pour remercier, féliciter ceux qui portent cet intérêt particulier à leur patrimoine.
Pour qui connaît parfaitement cette discipline comme celles traditionnelles du Budo japonais, le leurre du Dan ne trompe pas.
Par contre, la connaissance, le respect de l'ancien dans la hiérarchie sont des plus primordiaux : " Je ne salue pas l'être, mais l'essence de l'être " dit le maître au disciple en rendant hommage à la flèche qui se sépare de l'arc. C'est à la tradition qu'il faut revenir, à la tradition délaissée, porteuse de vérité. L'homme a besoin de mystère qui le fascine, de renouveau qui le dynamise et de spectaculaire qui l'exalte. On dit, dans le Budo japonais : " Devant l'essence pure, il ne peut y avoir d'ombre ".
Mais, commençons par le commencement, si le Kyudo peut apporter certaines facultés d'équilibre, ce n'est qu'en l'apprenant par petites étapes ; en d'autres termes, nul ne peut en transgresser les orientations ni les buts. Vouloir en modifier quelque chose équivaudrait à vouloir effacer de la carte le mont Fuji.
La connaissance ne s'assimile pas en quelques gestes et quelques paroles dispersées. Elle implique un engagement total. Beaucoup parlent d'harmonie, de vérité mais ce n'est pas la réalité ; le plus souvent, ce sont ceux -là qui favorisent les climats de conflits.
La réalité est une spontanéité qui s'exprime à chaque instant. On peut, bien sûr, en usant d'un brillant vocabulaire ésotérique, maquiller le manque de connaissance ; de même, l'esprit de compétition mal contrôlé est la porte ouverte sur l'envie, le doute, la jalousie et l'orgueil suivis du lot de consolation du grade.
Enfin, il y a ceux qui jouent et ceux qui s'assimilent sincèrement et profondément à la discipline. Seuls, les seconds sont créateurs.
Me revient une discussion que j'avais eue, il y a quelques années, avec maître Kamogawa, 10ème Dan; alors que je recevais le titre de Renshi, un de ces premiers hauts grades après dix-huit ans de pratique dont plus de cinq années passées au Japon, celui-ci m'avait précisé : " Je te félicite ! En réalité, j'ai moi-même pour arriver au niveau de Renshi puis au Kyoshi, mis trente-sept ans !".
Les paroles de ce maître, un de ces vieux de la vieille, résonnent encore dans ma tête, je n'ai su lui répondre que : " Je ferai de mon mieux jusqu'à la fin de mes jours ".

J.NORMAND